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samedi 2 novembre 2013

Le matériau thématique

Considérations sur le matériau thématique

Notes, mélodie, motifs, thèmes diffus, thème, thématique, etc. comment s’y retrouver ?


        Si une chose est essentielle dans une œuvre musicale, il s’agit bel et bien des notes qui sont jouées et du sens qu’elle peuvent éventuellement porter. Ces éléments dépendent évidemment de l’enchainement, du nombre, de la hauteur, du tempo, de l’indication (indiquée après le tempo, e.g. Allegro maestoso (rapide avec majesté)), et de l’orchestration de ces notes. Il y a plusieurs degrés dans l’agencement des notes entre elles, que l’on va distinguer ici en mélodies, motifs, thèmes diffus, thèmes, et thématique.




        La mélodie est un enchaînement simple de notes, sans volonté de sens, d’intention ou de sentiment particulier. En ce sens n’importe quel enchaînement de notes est une mélodie. La mélodie est utilisée comme base de toute œuvre musicale, mais au cours de l’histoire elle gagne en intensité pour aboutir au thème, pilier de la période romantique.



        Le thème, à la différence de la mélodie, est chargé de sens. Qu’il soit intellectuel ou figuratif, abstrait ou concret, le thème porte une signification, un objet que le compositeur veut partager avec les auditeurs. Naturellement les possibilités étant presque aussi infinies que la pensée humaine, le thème peut évoquer des choses extrêmement variées, incluant l’ensemble des sentiments humains, et des moyens descriptifs ou narratifs également infinis. La différence entre le thème et la mélodie n’est pas toujours évidente, car chaque auditeur ne va pas entendre le même objet dans un thème donné, et certaines mélodies peuvent évoquer un objet pour certains auditeurs alors que d’autres n’y verront qu’une mélodie sans objet. La frontière entre thème et mélodie est intrinsèquement floue puisqu’elle implique une appréciation subjective. Néanmoins, si la frontière est floue, les régions qui en sont éloignées sont clairement définies. D’autre part, il importe de considérer la volonté du compositeur (quand elle est claire, ce qui n’est pas toujours le cas), la façon dont le thème/la mélodie est proposé(e) et développé(e) (en effet, une mélodie n’a pas vocation à être développée, mais plutôt à être remplacée par une autre), la façon dont le thème/la mélodie est intégré(e) à l’œuvre (une mélodie ne joue pas un rôle important, à la différence d’un thème). Cependant dans certaines œuvres, en particulier pré-romantiques, ou post-romantiques, la frontière est tellement floue qu’elle englobe presque les régions elle-mêmes ! Dans ce cas, et sur ce site, la différence se fera en se basant sur ma propre expérience, tout en intégrant une volonté d’altérité. Enfin ce fameux flou explique les adjectifs qualifiant la qualité d’un thème que l’on pourra trouver souvent ici (faible, inexistant, expressif, clair, etc. déclinant l’échelle entre thème et mélodie)



        Selon l’utilisation qui en est faite on pourra parler de « thème diffus« . Ce vocabulaire sert à décrire un thème dont le but est de remplir une œuvre, de consolider certaines parties, d’ajouter une ligne musicale où il en manquerait, d’accompagner le thème véritable, etc. Le thème diffus est proche de la mélodie,puisque son objet reste distant, ou peu affirmé, mais il est nécessaire pour donner de la structure aux œuvres musicales. Le thème diffus est ce que l’on entend sans l’entendre, c’est l’espèce de « bruit de fond » d’une œuvre, le décor musical qui porte les éléments plus importants que sont les thèmes. Il ne retient pas spécialement l’attention, mais il permet de donner un certain caractère à une œuvre. Cette notion de « remplissage » est importante car il arrive qu’un compositeur ait besoin de ce genre de thèmes pour meubler un passage ou un mouvement de son œuvre. Les structures des œuvres étant assez réglementées par les modes des époques, il arrive qu’un compositeur doive respecter une certaine durée minimale, ou un certain nombre de mouvements, alors qu’il n’a pas particulièrement d’inspiration pour eux. C’est là qu’il utilise ces thèmes diffus, qui proposent une ambiance musicale, facile à accorder avec la contrainte de forme. Il n’est pas si rare que le mouvement lent qu’une œuvre soit uniquement constitué de thèmes diffus, simplement pour respecter l’obligation d’avoir un mouvement lent dans une œuvre. Quelques exemples éclatant permettent d’illustrer ce constat : les mouvements lents des concertos de Litolff ou celui de la Neuvième de Beethoven, vides de sens, à opposer au mouvement lent du second concerto pour Piano de Rachmaninov ou de la Neuvième symphonie de Dvorak. Mais le phénomène existe aussi pour les mouvements rapides, comme certains concertos qui se perdent en virtuosité inutile du soliste.



        Un autre élément important impliquant la suite de notes est le motif. Le motif est ce qui habille une ligne musicale. Il s’agit des « décorations » que l’on ajoute sur une ligne pour lui conférer plus de vie, de relief, de ressort, de consistance, etc. Il s’agirait des personnages secondaires d’une pièce de théâtre : ils ne portent pas l’histoire mais ils lui apportent ses péripéties. Ils ne sont pas nécessaires, mais il soutiennent la crédibilité ou la lisibilité de la pièce. Les motifs musicaux sont généralement constitués de quelques notes, sans signification propres, qui se répètent ça et là sur une ligne musicale, avec quelques transformations de hauteur pour coller à la note importante. Avec la complexité orchestrale augmentant au cours de l’histoire, le motif prend des formes de plus en plus raffinées, qui finissent par lui apporter une existence propre, et on peut alors le qualifier de pseudo-thème, car il apporte un véritable sens à l’œuvre, bien qu’il n’en ait pas isolément. Et certaines œuvres ou mouvements se basent uniquement sur des motifs, car il n’ont pas de ligne thématique à décrire mais plus une atmosphère vivante. Citons en exemple le scherzo de la Sixième de Mahler.



        Dernier élément souvent cité sur ce site, la thématique. Il s’agit de l’ensemble des thèmes d’une œuvre ou d’un mouvement et la façon dont ils se déclinent et interagissent entre eux. La thématique nous semble être l’élément primordial d’une production musicale, avant l’orchestration, avant l’harmonie, avec la forme, avant les structures, etc. Une œuvre avec une thématique réussie a peu de chance de manquer son but, alors qu’une œuvre sans thématique claire aura du mal à convaincre l’auditeur, malgré la qualité éventuelle des autres composantes.


Source: http://www.vivre-musique-classique.fr/pensees/consideration-sur-le-materiau-thematique/

vendredi 1 novembre 2013